Prévention des incendies : quelles sont les obligations des propriétaires?
Les journées sont de plus en plus courtes et les soirées de plus en plus longues. C’est la période propice pour profiter de la lueur des bougies et bouquiner au coin du feu. Depuis toujours, le feu fascine les humains et il a été primordial pour leur évolution. Mais il peut aussi être destructeur. Quelles sont les règles en matière de protection contre les incendies pour les propriétaires de maisons individuelles ? Nous faisons le tour de la question avec Jean-Michel Brunner, directeur de l’Etablissement cantonal d’assurance et de prévention (ECAP) à Neuchâtel.
Quelle est la fréquence des incendies d’habitations en Suisse?
Jean-Michel Brunner : En 2023, il y a eu 8600 incendies qui ont causé la mort de 25 personnes. Les frais liés à ces incendies, à charge des assurances bâtiment, ont représenté CHF 330 millions au niveau national. Depuis que des prescriptions uniformisées applicables à tous les cantons ont été introduites en 2003, la situation s’est améliorée. Même si la Suisse occupe la deuxième place des pays les moins touchés par les incendies, derrière Singapour, chaque incendie est naturellement un incendie de trop. La prévention et l’information restent donc primordiales.
Quelles sont les actuelles prescriptions de protection incendie pour une maison familiale?
Les directives émises par l’AEAI (Association des établissements cantonaux d’assurance incendie), en vigueur depuis 2015, et applicables dans toute la Suisse, classifient les bâtiments selon leur affectation. Pour les habitations individuelles, et à l’exception des règles concernant les installations de chauffage, il n’existe plus de prescription spéciale en matière d’équipements de protection contre le feu, comme les extincteurs.
C’est étonnant, comment s’explique cette absence de prescription?
Il faut savoir que beaucoup de prescriptions de protection contre le feu concernent le domaine de la construction et des matériaux. Lorsque les règles de 2015 ont été élaborées, on a visé l’économicité et la proportionnalité en relation avec le risque, le but étant de ne pas freiner le secteur de la construction. Il faut aussi relever que les matériaux sont devenus plus sûrs. Il est intéressant de relever que depuis 2015, les bâtiments en bois ne sont plus pénalisés par rapport aux constructions traditionnelles. Les prescriptions pour les maisons individuelles ont été revues à la baisse puisque relativement peu de personnes sont concernées par le risque d’incendie.
Malgré l’absence d’obligation de disposer de moyens de protections contre les incendies, quels moyens conseillez-vous?
Dans un contexte ménager, les moyens les plus courants et efficaces sont les extincteurs à mousse. Un extincteur adapté à une maison individuelle a une capacité de 6 kg, et coûte environ 300.-. Il doit être révisé périodiquement, selon les indications du fabricant. On peut en plus opter pour des couvertures antifeu, notamment près des endroits à risque comme la cuisine.
L’obligation d’installer des détecteurs de fumée existe dans plusieurs pays de l’Union européenne, une telle mesure ne serait-elle pas aussi utile en Suisse?
Je ne suis pas favorable à une telle obligation. Les détecteurs de fumée doivent être d’une certaine qualité pour être fiables et nécessitent un minimum d’entretien, comme le remplacement des piles. S’ils ne sont pas entretenus dans les règles de l’art, ils peuvent procurer un faux sentiment de sécurité. Mais malgré tout, les détecteurs restent un bon moyen de protection, relativement peu coûteux et facile à installer.
Une assurance incendie est-elle obligatoire dans tous les cantons de Suisse?
Tous les cantons, à l’exception de Genève, Uri, Schwyz, Tessin, Appenzell-Rhodes intérieures, Valais et Obwald (cantons GUSTAVO), disposent d’un établissement cantonal d’assurance auprès duquel les bâtiments doivent obligatoirement être assurés pour le risque incendie et dégâts naturels. Dans les cantons de Genève, Tessin, Valais et Appenzell Rhodes-Intérieures, il incombe aux propriétaires de conclure ou non une assurance immobilière privée, mais dans les faits, un éventuel créancier hypothécaire exigera une couverture d’assurance.
Les prescriptions de protection incendie de l’AEAI sont en train d’être revues. À quels changements faut-il s’attendre?
Pour les petits bâtiments, il n’y aura pas de changements notables. La tendance de ne pas suréquiper en matière de protection reste actuelle. Il faut relever que les incendies domestiques sont à la baisse, alors que les dommages liés aux éléments naturels comme les inondations, les glissements de terrains, etc. augmentent.
Jean-Michel Brunner
directeur de l’Etablissement cantonal d’assurance et de prévention (ECAP) à Neuchâtel
Entretien réalisé par Veronika Walliser
Extrait de la Revue HabitatDurable 79