Les abeilles sauvages ne font pas de miel, ne piquent quasiment pas, et chaque femelle construit son nid avec plusieurs loges, appelées cellules d’élevage. Le plus souvent elle ne procrée qu’une fois par an et ne voit pas sa progéniture.
Ces abeilles participent majoritairement à la pollinisation des plantes sauvages et cultivées, alors que les abeilles domestiques n’entrent que pour 15 % dans cette pollinisation. Cela s’explique par le fait que l’abeille domestique mêle du nectar au pollen pour fixer la pelote dans les corbeilles de ses pattes arrière. Le pollen humide a ainsi du mal à se déposer sur le pistil de la fleur. Ce procédé est donc moins efficace pour la fécondation des plantes.
Un article paru en 2013 dans la revue « Science » a eu un effet retentissant : il en est ressorti que les abeilles sauvages sont responsables de la pollinisation de plus de 80 % des espèces végétales, c’est-à-dire de 75 % des plantes cultivées dans le monde, en majorité des cultures fruitières, légumières, oléagineuses et protéagineuses, des fruits à coques, des épices et des stimulants (café, cacao) ; soit une valeur de 153 milliards d’euros par an.
D’autres recherches ont montré que même les abeilles sauvages déclinent, ce qui a pour conséquence une diminution de la diversité des plantes pollinisées par ces abeilles. Il est à noter que les espèces d’abeilles spécialistes souffrent davantage que les espèces généralistes. C’est le cas de celles qui sont liées à une catégorie de fleurs ou à un habitat donné, ont un temps de développement assez long ou sont caractérisées par une faible mobilité.
Les causes du déclin sont multiples : raréfaction des zones de reproduction (tas de bois, friches…), diminution des variétés de fleurs sauvages autochtones, agriculture intensive, emploi massif de produits chimiques tel que les fongicides, les désherbants, etc.
Une étude révèle que la moitié des espèces d’abeilles sauvages aux États-Unis a été décimée au cours du 20e siècle. On a attribué ce phénomène en partie à un décalage croissant entre la période de floraison des plantes et la période d’activité des abeilles, une réalité qui aurait un rapport avec le changement climatique. Des abeilles comme les bourdons qui recherchent des températures plus fraîches se déplacent à des altitudes supérieures où leurs plantes « nourricières » font défaut. En même temps, les apiculteurs montent les abeilles mellifères à des strates supérieures, ce qui crée une concurrence accrue avec les espèces d’abeilles sauvages endémiques.
À ceci, il faut encore ajouter des phénomènes nouveaux tels que la transmission de maladies propres à Apis mellifera aux abeilles sauvages en raison d’une cohabitation trop proche.
Enfin, il semble que l’accroissement du CO2 diminue la perception des parfums des fleurs par les abeilles.
Que pouvons-nous faire à notre échelle dans notre jardin ?
Conserver et créer des habitats
Les abeilles sauvages vivent à près de 70 % dans la terre ou dans le sable, le reste loge dans des trous dans le bois ou dans les anfractuosités des pierres.
Il est vivement conseillé de laisser un petit coin de jardin en friche, avec, si possible du bois mort ou des déchets de coupes, et de conserver ou planter des haies. Les abeilles sauvages recherchent également des terrains pauvres en végétation, voire totalement nus, des tas de pierres, des surfaces non fauchées, des buttes de terre tassée et des coquilles d’escargots vides.
Il est bénéfique de maintenir des espaces de terre nue, des petites étendues de sable, d’utiliser des joints de dalles en sable à la place du béton et de minimiser les surfaces imperméables.
On peut aussi installer des hôtels à abeilles sauvages qui devraient se trouver à un emplacement ensoleillé orienté sud, sud-est, à une hauteur de 30 cm à 2 m, à l’abri du vent et de la pluie. Le matériel de remplissage est constitué de tiges creuses comme le bambou ou le catalpa ou des tiges à moelle tendres comme les ronces ou les hortensias.
Augmenter l’offre en nourriture
Les plantes indigènes devraient être privilégiées et les plantes hybrides, les fleurs doubles, ainsi que les plantes exotiques évitées. L’accès des abeilles aux glandes nectarifères est rendu difficile, voire impossible, avec les nouvelles variétés puisque l’esthétique est souvent privilégiée aux dépens de la biodiversité.
On peut choisir des plantes mellifères (une liste se trouve sur le site indiqué ci-contre) et diversifier les espèces et les périodes de floraison. Un point d’eau permet aux abeilles de s’abreuver. Afin qu’elles ne se noient pas, il doit être peu profond, ou on peut y ajouter des petits monticules de gravier qui émergent de la surface.
Améliorer les conditions de vie
Le plus important est de bannir l’emploi de produits chimiques et d’utiliser des produits naturels.
Privilégiez le fauchage ou la tondeuse manuelle, espacez les tontes et attendez que les petites fleurs sauvages soient fanées. Tondez au moins à une hauteur de 10 cm et commencez le travail par le milieu de la surface en vous dirigeant vers les bords ; vous permettrez ainsi à la faune de fuir et de se cacher plus facilement.
Il convient d’éviter ou de limiter au maximum l’utilisation d’appareils de nettoyage à haute pression, de souffleuses ou de tous autres engins susceptibles de détruire ou de boucher les entrées et les galeries souterraines.
L’observation de ces principes simples à mettre en oeuvre vous permettra de préserver et de favoriser les abeilles sauvages. En contrepartie, votre jardin bénéficiera d’une meilleure pollinisation et donc de plus de fleurs et de fruits, sans compter le plaisir de la découverte du monde fascinant des abeilles sauvages. On protège mieux ce que l’on connaît.