Une part toujours plus importante du sol suisse est imperméable. L’eau ruisselle en surface, la végétation ne peut prospérer et l’accumulation de chaleur nuit à la qualité de vie. La lutte contre ce phénomène doit s’effectuer à plusieurs niveaux et constitue un vrai défi.
Les sols bétonnés et asphaltés ont des avantages que personne ne nie : résistants, polyvalents, faciles à nettoyer et à entretenir, ils ne salissent pas les chaussures et permettent de circuler partout sur deux ou quatre roues.
Mais en imperméabilisant les surfaces, cette chape minérale les rend biologiquement stériles, empêche l’absorption de l’eau de pluie et contribue à la formation d’îlots de chaleur. La végétation et le sol ne peuvent pas jouer leur rôle de régulateur thermique, l’une en apportant ombre et fraîcheur, l’autre en restituant l’humidité par évaporation.
On peut concevoir des aménagements qui préservent la porosité des surfaces, en ne les scellant que là où c’est nécessaire. Les arbres y ont l’espace requis pour étendre leurs racines, le cycle de l’eau se remet en marche, la température baisse. Insectes et petits animaux retrouvent leurs marques dans un environnement plus hospitalier. Au lieu de former des torrents et d’inonder les caves en cas de fortes pluies, les eaux s’infiltrent dans le sol ou sont recueillies pour être utilisées. La démarche concourt à des quartiers plus agréables à vivre et plus favorables à la santé.
Marteaux-piqueurs à l’assaut de l’asphalte
En Suisse, plusieurs entreprises et équipes de recherche se penchent sur ces questions, qui intéressent aussi les particuliers. Si les motivations et manières de procéder diffèrent, l’objectif est toujours de briser le manteau d’asphalte ou de béton – désimperméabiliser dans le jargon. Ou d’éviter de le poser, dans le meilleur des cas.
Face aux puissants acteurs du bâtiment, les pouvoirs publics doivent édicter des règles claires, car les mesures volontaires n’ont aucune chance. Un travail de sensibilisation est à mener pour promouvoir le concept de « ville-éponge », qui incite à une gestion de l’eau adaptée au climat en milieu urbain. La ville-éponge stocke l’élément liquide pour le restituer aux plantes et aux habitant∙es en période de canicule. Les capacités d’absorption du sol soulagent le réseau d’évacuation et évitent débordements et inondations. On y gagne en esthétique et en biodiversité, bien que ces aspects soient ici secondaires.
Désormais, lors de certains projets de développement urbain, les autorités imposent une gestion des eaux de pluie sur place. Le plan d’aménagement détaillé et le plan d’occupation des sols ne prévoient pas de canalisations pour les recueillir. Les acteurs sont donc forcés de trouver des solutions, naturelles ou plus techniques, selon la configuration et les possibilités des sites.
Le moustique-tigre ? Pas un problème
Toute bonne idée doit être soumise au test de la critique. Dans le cas de la désimperméabilisation, deux objections s’élèvent du côté de la biologie. Les mares et plans d’eau nouvellement créés n’encouragent-ils pas la prolifération du moustique-tigre ? Ne faut-il pas craindre la colonisation des terrains ouverts par les plantes invasives ? Le redoutable insecte piqueur n’est pas un vrai problème, car il n’aime pas trop les lieux aménagés de façon naturelle, leur préférant les arrosoirs et bacs à fleurs pleins d’eau stagnante. La question des néophytes tels que les solidages et les vergerettes est à prendre au sérieux. La moindre friche les voit rapidement s’installer. Il convient d’être vigilant, surtout au début. Le risque décroît sitôt que d’autres plantes se sont établies.
Au chapitre des inconvénients, on cite le nettoyage des cours de récréation perméables, qui demande plus de travail, tout comme la maintenance des chemins absorbants. Graviers et revêtements marneux peuvent en outre constituer un obstacle pour les personnes à mobilité réduite.
Une question d’argent
Le facteur financier vient également jouer les trouble-fêtes. On entend souvent que les projets de ce type renchérissent et complexifient la construction. Les données sont trop maigres pour permettre des comparaisons valables. Beaucoup d’éléments entrent dans la composition du prix : nature du sous-sol, fonction assignée aux surfaces, espace disponible, etc. En termes d’entretien, la différence n’est pas énorme. On doit tondre les pelouses, mais aussi nettoyer l’asphalte. Sur une place de stationnement goudronnée, les fissures de gel et la formation de flaques occasionnent des coûts, alors que les dalles de gazon nécessitent de lutter contre les plantes invasives. Au final, il faut trouver les bons arguments pour convaincre les bonnes personnes.
Une évolution inquiétante
Si la densification des villes évite désormais de gaspiller des terres agricoles, l’imperméabilisation des sols a progressé à vitesse galopante durant la dernière décennie. Les photos aériennes des années 1980 parlent d’elles-mêmes. Les zones villas sont montrées du doigt, mais aussi les nouveaux quartiers industriels et les infrastructures de transport. Ces surfaces obéissent à des considérations pragmatiques, selon une pure logique économique. Déserts d’asphalte autour des halles, routes et voies d’accès en tous sens, aires de déchargement et d’entreposage de containers, parking… En l’absence de contraintes ou de volonté délibérée, les terrains sont automatiquement imperméabilisés. Pendant que les citadin∙es luttent pour le moindre mètre carré de prairie fleurie et densifient prudemment, la Suisse sacrifie chaque année des kilomètres de terres agricoles à la périphérie des villes. Il est facile de prêcher l’utilité des espaces verts et de la biodiversité à des acteurs qui en sont déjà persuadés. Les choses se compliquent quand des intérêts financiers sont en jeu.
Quatre principes pour désimperméabiliser soi-même
1. Déterminer si un permis de construire est nécessaire (selon la commune et le type de surface)
2. Se faire conseiller par des spécialistes, par exemple une entreprise de jardinage sensibilisée aux aspects environnementaux
3. Penser au-delà de la surface : possibilités d’interconnexion, évacuation de l’eau du toit, synergies avec les voisins ou la rue, etc.
4. Il faut parfois renoncer à l’idéal, mais des améliorations bonnes à prendre sont toujours réalisables.


