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23 ans après l’inscription du Développement Durable dans la Constitution neuchâteloise et 17 ans après la loi sur l’Agenda 21, le Conseil d’État neuchâtelois a mis en consultation jusqu’au 18 septembre sa Stratégie de Développement Durable 2030. Enfin ! Car il y a urgence ! Le canton de Neuchâtel, à l’instar de la Suisse, consomme trois fois ce qu’un partage équitable des ressources terrestres renouvelables permettrait. Bien que cette démarche nous réjouisse, nous devons toutefois constater qu’elle n’est largement pas à la mesure des défis à relever à l’échelle du canton et au-delà, afin de laisser aux générations futures une planète qui puisse répondre durablement à leurs besoins. Aujourd’hui, en matière de Développement Durable le mot clé doit être SOBRIÉTÉ !

Du «Rapport Bruntland» publié en 1987 par la Commission des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement, on peut tirer la définition suivante :
« Le Développement Durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité de satisfaire ceux des générations futures, dans le respect des limites des écosystèmes naturels et de l’égalité des chances pour toutes et tous, ici et ailleurs dans le monde. »
Or, le fonctionnement de notre société nous a amené à exercer une empreinte écologique trois fois supérieure à ce que peuvent supporter les écosystèmes naturels. Au niveau mondial, 6 des 9 principales limites planétaires (Changement climatique; Érosion de la biodiversité; Exploitation des sols; Pollutions chimiques; Perturbation des cycles de l’azote et du phosphore) sont largement dépassées et la situation n’est guère différente à l’échelle de notre canton. À ce sujet, le Conseil d’État fait preuve de lucidité dans ses constats.
Toutefois, ses principales politiques sectorielles cantonales (plan directeur, mobilité 2030, plan climat, conception directrice de l’énergie, plan phytosanitaire, etc.) ne sont pas conformes aux principes et aux objectifs du développement durable. Elles occultent encore largement la nécessité de préserver les ressources énergétiques et naturelles, et négligent la répartition équitable des richesses produites. En outre, la grande majorité des objectifs et des engagements présentés dans le rapport du Conseil d’État sont tellement peu ambitieux, non quantifiés et sans échéancier, qu’elle nous fait douter de la réelle volonté de ce dernier de mettre en œuvre le Développement Durable ; sans compter qu’en comparaison relative, la dotation prévue de l’Unité Développement Durable et Climat reste trois fois inférieure à celles des cantons de Genève et de Vaud.

Pourtant le potentiel pour un changement de paradigme existe. L’action publique en est la clé de voûte. Ses investissements dans les infrastructures appropriées, ses choix en matière de services publics et son soutien aux investissements privés adéquats permettraient à la population et aux entreprises d’adopter des fonctionnements sobres en ressources et en énergie, sans pertes significatives de qualité de vie :

1. En matière d’économies d’énergie et de protection du climat, afin d’atteindre la neutralité carbone et la société à 2000W en 2040, outre le développement du photovoltaïque et de l’éolien, la priorité doit être donnée impérativement à l’assainissement énergétique du parc immobilier et à la réalisation du potentiel d’économie de 30 % dans le secteur industriel. L’apparente pénurie de logements doit être réduite par la facilitation des changements d’appartements en cours de vie et par un contrôle plus stricte des loyers, plutôt que par la construction de bâtiments neufs.

2. En terme de mobilité, l’accent doit être mis à tout prix sur le développement quantitatif et qualitatif des transports en commun et des voies de mobilité douce, cela au dépens des infrastructures destinées, en parallèle, à la mobilité motorisée individuelle. Pour les territoires périphériques et peu densément occupés, des systèmes de co-mobilité sont à mettre en place afin d’optimiser le recours à la mobilité motorisée individuelle, qui, là, reste difficilement remplaçable.

3. Notre agriculture doit également être soutenue dans sa réorientation, tel que le préconise depuis peu le Conseil Fédéral, vers une réduction de la production de protéines animales et une augmentation de la production végétale destinée à l’alimentation humaine. Les pâturages du canton restent bien entendu destinés à l’élevage, mais de manière plus extensive, en réduisant les intrants, avec pour bénéfice une plus grande biodiversité et une meilleure qualité des eaux et du climat. Des menus végétariens et bio doivent être introduits systématiquement dans la restauration collective publique et para-publique, afin de promouvoir une alimentation plus saine, équilibrée, abordable et respectueuse de l’environnement.

Réaliser ces chantiers à l’échéance intermédiaire de 2030, demande des moyens à la hauteur des enjeux. Le Conseil d’État doit donc accompagner cette stratégie d’une mesure financière phare. Sans quoi, soumettre pareille stratégie aux critères limitants du frein à l’endettement ne permettra pas les investissements nécessaires pour atteindre les objectifs requis.
Vu l’importance fondamentale d’une stratégie de Développement Durable pour la collectivité, et vu sa complexité, il nous paraît nécessaire que de nouvelles instances soient constituées:

1. Un Conseil du Développement Durable composé d’experts externes dans les domaines environnementaux, sociaux et économiques, qui puisse conseiller le Gouvernement et le Parlement et participer à l’élaboration et à l’évaluation des politiques publiques.

2. Un processus participatif sur le modèle de la convention citoyenne, qui favorise la compréhension et l’acceptation par la population des principes et des enjeux du Développement Durable et qui lui permette de formuler des propositions en la matière.

Outre la volonté bienvenue du Conseil d’État d’orienter le canton vers plus de durabilité, voilà brièvement ce qui nous semble constituer les prérequis à une mise en œuvre efficace d’une stratégie de Développement Durable.

Blaise Horisberger, HabitatDurable Neuchâtel

Sylvie Barbalat, WWF Neuchâtel

Marc Treboux, Grands-parents pour le climat Neuchâtel



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