Raphaël Mahaim est stupéfié qu’une grande association de propriétaires alémanique s’oppose au projet de loi fédérale sur les objectifs de protection du climat.
Pour l’heure, la nouvelle a fait très peu de bruit de ce côté-ci de la Sarine. Pourtant, elle est aussi spectaculaire que révélatrice des obstacles sur le chemin de la transition écologique: la très puissante Hauseigentümerverband – la faîtière alémanique des propriétaires immobiliers, sorte d’équivalent des Chambres immobilières romandes – vient de recommander le non au contre-projet à l’initiative pour les glaciers.
Cette décision est stupéfiante. Pour mémoire, le parlement a adopté en septembre 2022 un (modeste) contre-projet à l’initiative pour les glaciers (retirée sous condition après l’adoption du contre-projet). Mais le lobby des énergies fossiles, main dans la main avec l’UDC alémanique, a lancé le référendum, provoquant une votation à ce sujet en juin prochain, évidemment d’une importance cruciale pour la transition.
«Il est grand temps que les propriétaires raisonnables se fassent entendre.»
Pour le secteur des bâtiments, la réforme prévoit seulement deux nouveautés: un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050, en phase avec l’accord de Paris sur le climat, d’une part, et un mécanisme de soutien financier à hauteur de 200 millions par an pendant dix ans pour favoriser le remplacement des chauffages à combustibles fossiles, d’autre part.
Quand on sait que les bâtiments représentent à eux seuls environ 30% environ des émissions de CO2 du pays (!) et que c’est notre dépendance aux énergies fossiles, provenant souvent d’États peu démocratiques voire carrément voyous, qui crée autant de turbulences géopolitiques, d’aucuns diraient que ces mesures sont plutôt timides compte tenu de l’enjeu…
Quoi qu’il en soit, même s’il ne règle évidemment pas toutes les difficultés (manque de main-d’œuvre qualifiée, pénurie de matières premières, procédures trop longues), ce soutien permet de donner un coup de pouce à tous les propriétaires qui s’engagent pour l’assainissement énergétique ou les énergies renouvelables (panneaux solaires, chauffages à bois, pompes à chaleur, etc.). De plus, cela permet de répondre, du moins en partie, aux délicates questions liées à la répercussion sur les loyers des investissements faits par les propriétaires.
S’affranchir des énergies fossiles
J’en suis convaincu: l’écrasante majorité des propriétaires est désireuse de s’affranchir autant que possible des énergies fossiles, pour des raisons écologiques mais aussi pour d’évidentes raisons économiques. Les prix de l’énergie fossile importée ont montré leur extrême volatilité en temps de crise.
La faîtière immobilière alémanique, noyautée par le lobby des énergies fossiles et aveuglée par un dogmatisme inexplicable, n’est plus représentative des aspirations des propriétaires en Suisse et ne défend plus leurs intérêts. Il est grand temps que les propriétaires raisonnables se fassent entendre, par exemple grâce à des associations soucieuses de la transition énergétique, comme HabitatDurable, ou par le biais des chambres romandes immobilières, dont on espère que les positions seront plus responsables.
Publié dans 24heures le 6.2.2022
L'auteur
Raphaël Mahaim
Conseiller national et membre d'HabitatDurable