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Une maison en paille vivante

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  Thu, 05.09.2019

La famille Enderlin-Ksontini a relevé un défi de taille : construire une maison en paille et, qui plus est, autarcique. Leur construction, qui se trouve près d’Estavayer-le-Lac, n’est reliée ni au réseau électrique ni au réseau d’eau claire, et elle ne dispose pas de chauffage central. Reportage sur un chantier hors norme qui fait la part belle aux matériaux naturels et aux économies d’énergie.

C’est par la permaculture et le mouvement zéro déchet que le couple Enderlin-Ksontini s’est intéressé à la construction avec des matières naturelles, en particulier la construction en paille. Après des recherches sur la Toile, leur choix s’est porté sur le système Ecococon : des cadres en bois remplis de paille compressée. L’avantage du système est que le montage se fait très rapidement. À la façon des blocs Lego, les différents éléments préfabriqués sont assemblés en peu de temps ; dans le cas de la maison Enderlin-Ksontini, le montage a pris deux jours. La paille est une matière première de qualité dans la construction : il s’agit d’un matériau renouvelable qui peut être utilisé comme mur porteur et c’est de plus un très bon isolant. La paille régule l’humidité dans l’habitat et est facilement recyclable. Au lieu d’émettre du CO2, elle le stocke. Contrairement aux idées reçues, la paille compressée est un très mauvais combustible. C’est un matériau certifié pour les constructions de bâtiments en Suisse. L’inconvénient de la technique choisie est que la production se fait en Slovaquie. On n’atteint pas aujourd’hui les masses critiques pour implanter une telle usine en Suisse. Mais Ivan Enderlin-Ksontini rassure : « Une étude de l’EPFL montre que la quantité de CO2 émis lors du transport de la paille est très largement compensée par l’absorption de CO2 lors de la croissance des céréales qui ont fourni la paille (75 kg de CO2 par mètre carré) ».

Une fois les parois en paille montées s’ajouteront une isolation extérieure en fibre de bois, un vide d’environ 4 cm et un bardage en bois brûlé. Il s’agit d’une technique ancestrale japonaise qui, sans aucun produit ajouté, rend le bois plus résistant par le feu. La matière première provient des forêts jurassiennes. La façade n’a besoin d’aucun entretien et son état est garanti pendant 60 ans.

La charpente est entièrement en bois et l’isolation du toit est faite en laine de bois.

L’autarcie comme contrainte d’optimisation et de performance

Pour la famille Enderlin-Ksontini, construire leur maison autarcique n’était pas un but en soi, mais servait à démontrer que la construction peut être bien plus respectueuse de l’environnement et plus économe en énergie grise et en énergie tout court que ce qui se fait actuellement. Les maîtres d’oeuvre qui travaillent sur le chantier doivent faire preuve d’imagination et de créativité. Les Enderlin-Ksontini ont reçu des dizaines de refus. Des banques n’ont pas voulu prendre des risques et plusieurs artisans n’ont pas voulu ou pu se plier aux contraintes qu’impose ce projet, ceci aussi pour des raisons de responsabilité. Renoncer à installer un chauffage dans une maison très bien isolée n’est pas vraiment un défi. Ce qui est plus compliqué, c’est d’assurer l’alimentation en électricité pendant la période hivernale alors que les journées sont courtes et que le temps peut être couvert plusieurs jours de suite.

La maison ne dispose donc pas de chauffage. Une serre reliée à la maison apportera de la chaleur solaire passive et permettra de cultiver un jardin toute l’année. L’eau sanitaire sera chauffée par une pompe à chaleur (PAC) air-eau, ainsi que par les panneaux solaires photovoltaïques. Un poêle-cuisinière permettra de cuisinier et de chauffer le logement pendant les mois d’hiver si le soleil fait défaut. Ce poêle pourra aussi chauffer l’eau sanitaire. L’électricité sera produite par les panneaux solaires. Une batterie au cristal de plomb permettra d’en stocker une partie. En été, période de forte production, une borne extérieure permettra aux voisins d’utiliser cette énergie pour leurs outils, vélos et év. voitures. Les Enderlin-Ksontini vont expérimenter leur premier hiver à la fin de l’année. Ils installeront éventuellement ultérieurement une petite éolienne.

High-tech ou low-tech ?

Le choix des Enderlin-Ksontini s’est porté sur les solutions le plus low-tech possible. Le but est d’éviter les pannes, de pouvoir réparer facilement et de bénéficier d’un fonctionnement simple et de matériaux basiques. Les maîtres d’ouvrage s’expliquent : « Nous ne rejetons pas la technologie, bien au contraire, certains objectifs ne sont atteignables que grâce à des avancées technologiques importantes. Il faut en profiter au maximum. Mais il est important de réduire l’aspect high-tech « gadget » à son minimum. Penser que la high-tech est une solution à la plupart des problèmes est une fausse croyance. »

Uniquement de l’eau de pluie

La maison individuelle sera alimentée uniquement par de l’eau de pluie qui sera collectée sur le toit de la maison et de l’abri à voiture. Deux citernes de 10’000 litres chacune garantissent à cette famille de quatre personnes une autonomie de trois mois et demi. L’eau de pluie est filtrée et rendue potable à l’aide d’un filtre à ultra-violet. Afin d’économiser l’eau, le choix s’est porté sur une douche à brumisation qui promet des économies d’eau de 65 % par rapport à une douche classique. Quant aux toilettes, elles seront elles aussi très économes en eau, nécessitant 1,5 litre en moyenne par chasse.

La seule conduite à laquelle la maison et reliée est la conduite d’eaux usées.

Combien ça coûte ?

Les projections financières faites avant le début des travaux tablaient sur un surcoût par rapport à une construction classique d’environ 6 %, ce qui est très peu. Il faut aussi tenir compte du fait que les charges d’exploitation de la maison seront pratiquement égales à zéro, alors qu’actuellement, la famille paie CHF 400.– de charges par mois pour la maison qu’elle loue. Le fait que la bâtisse ait une configuration particulière sur trois demi-niveaux, afin de s’intégrer le mieux possible au terrain, a aussi renchéri la construction. Selon Ivan Enderlin-Ksontini, « il faudra faire des calculs précis, mais il apparaît actuellement que le coût de construction de notre maison, si elle avait eu une géométrie classique, eut été moindre que celui d’une maison traditionnelle ».

Et l’emplacement ?

C’est bien beau de construire une maison autarcique, mais il faut aussi tenir compte de son emplacement et des trajets nécessaires pour se déplacer. En l’occurrence, la famille fait ses déplacements locaux à vélo électrique, chargé grâce aux panneaux solaires. Elle n’a qu’une voiture, que Madame utilise pour se rendre au travail à Yverdon et à Lausanne. Quant à Monsieur, il est indépendant et travaille à la maison.

L’autrice

Veronika Pantillon
Rédactrice Revue « HabitatDurable »

Éxtrait de la Revue HabitatDurable 53

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