Les micro-forêts urbaines selon Miyawaki – HabitatDurable

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Les micro-forêts urbaines selon Miyawaki

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Mon, 10.10.2022

Parmi la myriade d’i­dées ayant émergé pour faire face à la catas­trophe éco­lo­gique en cours ; les forêts dites «de Miya­waki» ont sus­cité beau­coup d’en­thou­siasme. Les tech­niques mises au point par le bota­niste nip­pon étant appli­cables en milieu urbain sur de petites par­celles, des *forêts Miya­waki» ont com­mencé à être semées aux quatre coins du monde. On a loué leur effi­ca­cité et cri­ti­qué les faux espoirs qu’elles peuvent faire naître. Essayons de consi­dé­rer les choses sous un autre angle.

Cette photo me plaît. J’aime le mélange de viva­cité et de ten­dresse du regard de cet homme, son sou­rire heu­reux. J’aime la façon dont il tient la plante, tout prés des racines, dans un geste dont il semble avoir l’habitude.

Le sou­rire, le regard, le geste, j’y vois une invi­ta­tion, humble, pré­cise. Et puis , j’aime son cha­peau de paille pour se pro­té­ger du soleil : même s’il fait frais, en témoignent la veste et l’é­charpe, le soleil tape déjà.

J’aime enfin cette photo parce qu’elle évoque dans sa glo­ba­lité, non pas tel­le­ment l’homme qu’a été Miya­waki, mort à 93 ans l’an passé, mais sur­tout l’œuvre de sa vie, cet ensemble de décou­vertes et de tech­niques visant à revi­ta­li­ser la bio­di­ver­sité à tra­vers la res­tau­ra­tion de forêts dégra­dées par l’ac­ti­vité humaine, ou la plan­ta­tion de nou­veaux espaces fores­tiers denses et robustes.

L’éf­fi­ca­cité des techniques 

On a beau­coup parlé de l’ef­fi­ca­cité de ses tech­niques et les études faites par Miya­waki lui-même semblent le démon­trer, ainsi que la seule étude faite en Europe pour l’ins­tant (voir enca­dré). Mais je trouve qu’on per­çoit quelque chose qui dépasse la sta­tis­tique dans la façon qu’il a de tenir ce jeune plan : rien de spec­ta­cu­laire, un geste simple et pré­cis. Il y a de l’hu­mi­lité dans ce geste, mais pas de fausse modes­tie. Miya­waki était un uni­ver­si­taire, bota­niste de for­ma­tion, qui a consa­cré une longue par­tie de son exis­tence à obser­ver les graines et les forêts. Sa démarche n’a pas consisté à opti­mi­ser des tech­niques fores­tières, mais à rendre à la forêt sa vita­lité propre, indépassable.

La réus­site de ses tech­niques tient à la pré­ci­sion de ses obser­va­tions : la forêt, quand on ne l’a pas dégra­dée, est dense, diver­si­fiée, un grand nombre d’es­pèces indi­gènes y coha­bitent, les arbres n’y sont pas ali­gnés au cor­deau, mais répar­tis aléa­toi­re­ment ; il n’y pas qu’une seule forêt, mais autant de forêts qu’il y a de régions, et toutes ont leurs par­ti­cu­la­ri­tés, qu’ils convient de res­pec­ter lors­qu’on sou­haite leur rendre leur puissance.

La forêt urbaine comme espace social 

S’il est un aspect des tech­niques de Miya­waki qui a été cri­ti­qué, c’est celui des micro-forêts. Il faut dis­si­per un mal­en­tendu : les micro-forêts ne résolvent pas le pro­blème de la défo­res­ta­tion. Elles stockent certes du CO2, mais ne suf­fisent pas, et de loin, à contre­ba­lan­cer celui que nous envoyons dans l’at­mo­sphère. Par ailleurs, si les tech­niques de Miya­waki sont effi­caces, elles ne sont pas la pana­cée : cer­tains arbres meurent et leur prix au démar­rage peut être consèquent.

Mais on se four­voie­rait en rédui­sant l’a­dop­tion des tech­niques de Miya­waki à ses seules qua­li­tés fonc­tion­nelles : les plan­ta­tions selon ses tech­niques sont des évé­ne­ments col­lec­tifs. C’est ce qui se lit dans ses yeux : ce n’est pas un homme seul, mais un homme au milieu de ses sem­blables et de ses parents éloi­gnés (les oiseaux, si proches de nous à l’é­chelle de l’é­vo­lu­tion des espèces, et les arbres, cou­sins un peu plus loin­tains, mais si fidèles compagnons).

Les plan­ta­tions des forêts néces­sitent la réunion d’une mul­ti­tude de per­sonnes n’ayant nul besoin de connais­sances poin­tues préa­lables. L’en­tre­tien, pen­dant les trois ans qui suivent la plan­ta­tion (ensuite, la forêt sera auto­nome), est aussi l’oc­ca­sion de ren­contres et d’é­changes. Ce n’est ainsi pas seule­ment la bio­di­ver­sité qui refleu­rit, mais les liens sociaux ; ce n’est pas seule­ment l’air qui se puri­fie, mais l’at­mo­sphère qui s’al­lège lorsque nos voi­sins deviennent des amis (ou du moins des gens avec qui «on a planté des arbres», ce n’est pas rien !).

Au boh­neur de tous 

Cela rend heureux…je lis ce bon­heur-là dans le sou­rire de Miya­waki. Mais pas seule­ment ! De nom­breuses études démontrent l’in­fluence des espaces dits «natu­rels» sur la santé phy­sique et men­tale et sur l’humeur.

L’une d’elles, publiée dans Nature Scien­ti­fic Reports conclut : » une ana­lyse dose-effet pour la dépres­sion et l’hy­per­ten­sion sug­gère que des visites de 30 minutes ou plus au cours d’une semaine dans des espaces exté­rieurs verts pour­raient réduire la pré­va­lence de ces mala­dies dans la popu­la­tion de 7 % et 9 % res­pec­ti­ve­ment.» (trad.)

Une autre étude publiée dans la revue scien­ti­fique Eco­lo­gi­cal Eco­no­mics résume :» Nos résul­tats montrent que la richesse en espèces d’oi­seaux est posi­ti­ve­ment asso­ciée à la satis­fac­tion de vie dans toute l’Eu­rope.[…] Nous dis­cu­tons de deux voies non-exclu­sives pour cette rela­tion : l’ex­pé­rience mul­ti­sen­so­rielle directe des oiseaux, et les pro­prié­tés béné­fiques du pay­sage qui favo­risent à la fois la diver­sité des oiseaux et le bien-être des per­sonnes. Sur la base de ces résul­tats, cette étude sou­tient que les actions de ges­tion pour la pro­tec­tion des oiseaux et des pay­sages qui les abritent seraient béné­fiques pour les humains.» (Trad.) Le média » La Relève et la Peste«précise :«Les chiffres uti­li­sés indiquent […] que les per­sonnes ayant déclaré être satis­faites de leur vie sont 1.5 fois plus nom­breuses parmi celles qui sont entou­rées d’oi­seaux que par­mis celle gagnant 10 % de plus sur leur salaire net habituel.»

Bien plus qu’un cha­peau de paille 

On peut se pro­té­ger des rayons directs du soleil avec un cha­peau, mais pas de la cha­leur… Si implan­ter de forêts urbaines est abso­lu­ment insuf­fi­sant pour empê­cher le chan­ge­ment cli­ma­tique, cela consti­tue un espoir d’en souf­frir moins , en par­ti­cu­lier dans les villes, où car­ros­se­ries de voi­ture, façades et revê­te­ment de sols stockent la cha­leur. Comme l’ex­plique The­resa Crys­mann :«Il fait plus frais dans la ver­dure. Qu’elle soit grande ou petite, chaque plate contri­bue à faire bais­ser la tem­pé­ra­ture ambiante. L’hu­mi­dité s’é­va­pore de ses feuilles, ce qui refroi­dit l’air. Plus il y a de ver­dure, plus cet effet est fort […] Tou­te­fois, pour faire bais­ser le plus pos­sible la tem­pé­ra­ture en ville, même dans un petit espace et à l’é­cart des grandes espaces ouverts, c’est sur­tout l’ombre qui aide.» Elle conti­nue : » Une étude récente de l’EPFZ le montre : en Europe cen­trale, la dif­fé­rence de tem­pé­ra­ture moyenne entre les sur­faces urbaines avec et sans arbres est de dix degrés.»

Il est donc acquis que la pré­ser­va­tion et la plan­ta­tion des arbres en ville sont un des moyens les plus effi­caces pour aider à régu­ler les tem­pé­ra­tures pen­dant les cani­cules. Les micro-forêts plan­tées selon Miya­waki peuvent contri­buer à chan­ger le pay­sage urbain et le rendre plus accueillant et protecteur.

Le vieil homme et la jeune pousse 

Ce que j’aime au final sur cette photo, c’est que c’est un vieil homme qui plante un arbre. Il ne goû­tera jamais à l’ombre déli­cieuse que cet arbre, une fois grand et fort, offrira aux pro­me­neurs et autres visi­teurs de son doux refuge. Mais il a ce bon­heur si spé­cial de plan­ter un arbre.Ce peut être un peu céré­mo­nial, ou fol­le­ment joyeux, ou même fati­gant. Mais c’est tou­jours quelque chose. Faites-le, c’est indescriptible.

Com­ment pro­cé­der, si on veut plan­ter une micro-forêt ? 

Plu­sieurs démarches sont pos­sibles, car un tel pro­jet peut être porté par un col­lec­tif, une asso­cia­tion, une com­mune, ou même des par­ti­cu­liers. À Genève, c’est Joëlle Mar­ti­noya, fon­da­trice de forêt B, qui a contacté la ville après s’être pro­mis de tout faire pour per­mettre à une micro-forêt Miya­waki de voir le jour en Suisse. (https://foret‑b.ch).

Boom­fo­rest, une asso­cia­tion fran­çaise qui dif­fuse des infor­ma­tions gra­tuites très com­plètes sur la méthode Miya­waki, pro­pose des fiches très utiles si on veut se docu­men­ter concrè­te­ment : boomforest.org (voir Docs utiles)

Effi­ca­cité de la méthode Miya­waki dans les pro­grammes de res­tau­ra­tion des forêts méditerranéennes

« La méthode Miya­waki a été appli­quée en Extrême-Orient, en Malai­sie et en Amé­rique du Sud ; les résul­tats ont été très impres­sion­nants, per­met­tant de res­tau­rer rapi­de­ment l’en­vi­ron­ne­ment de zones for­te­ment dégra­dées. Cepen­dant, ces appli­ca­tions ont tou­jours été faites sur des sites carac­té­ri­sés par de fortes pré­ci­pi­ta­tions. La même méthode n’a jamais été uti­li­sée dans un contexte médi­ter­ra­néen carac­té­risé par une ari­dité esti­vale et un risque de déser­ti­fi­ca­tion. Un pre­mier test a été effec­tué par l’U­ni­ver­sité de Tus­cia, Dépar­te­ment des Forêts et de l’En­vi­ron­ne­ment (DAF) , il y a 11 ans en Sar­daigne (Ita­lie) sur une zone où les méthodes tra­di­tion­nelles de reboi­se­ment avaient échoué. Pour une appli­ca­tion appro­priée de Miya­waki sur ce site, la méthode ori­gi­nale a été modi­fiée tout en conser­vant ses prin­cipes théo­riques. Les résul­tats obte­nus 2 et 11 ans après la plan­ta­tion sont posi­tifs : après avoir com­paré les tech­niques tra­di­tion­nelles de reboi­se­ment, la bio­di­ver­sité végé­tale de la méthode Miya­waki semble très éle­vée, et la nou­velle coe­no­sis (com­mu­nauté végé­tale) a pu évo­luer sans autre sou­tien opé­ra­tion­nel après la plan­ta­tion. » (Trad.)

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