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Le renou­veau des pota­gers urbains

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Thu, 04.04.2019

Ils jar­dinent sur d’anciens ter­rains de foot­ball ou dans des caisses bri­co­lées avec quelques planches, font pous­ser des légumes sur les toits, les bal­cons ou les îlots rou­tiers. Ces maraî­chers des temps modernes inventent une nou­velle façon de s’approprier l’espace urbain.

On entend sou­vent dire que la mode est aux pota­gers urbains. C’est oublier qu’il y a tou­jours eu des cita­dins aux pouces verts. Plates-bandes en bor­dure des mai­sons, arrière-cours, plan­tages et jar­dins fami­liaux, treilles, ter­rasses et bal­cons ont de tout temps été trans­for­més par leurs soins en oasis de verdure.

Des coopé­ra­tives innovantes

Mais jar­di­ner en ville a pris aujourd’hui une signi­fi­ca­tion nou­velle. Alors qu’autrefois, cha­cun maniait la bêche dans son coin, on assiste à une mul­ti­pli­ca­tion des col­lec­tifs et coopé­ra­tives autour du jardinage.

Presque toutes les villes suisses voient éclore des pro­jets inno­vants et par­ti­ci­pa­tifs, comme la mise en culture de l’ancien stade de la Gur­ze­len à Bienne ou les pota­gers urbains de Pierre-à-Bot à Neuchâtel.

La culture tra­di­tion­nelle en caisse comme emblème du renouveau

S’il fal­lait résu­mer la ten­dance actuelle, c’est sans doute celle des « bacs sur­éle­vés » ou des « pota­gers en carré » qui la décri­raient le mieux.

Alors qu’il y a encore vingt ans, les règles strictes édic­tées par les pro­prié­taires d’immeubles n’autorisaient que des ali­gne­ments de géra­niums, l’esthétique des villes est aujourd’hui mar­quée par ces caisses gros­siè­re­ment assem­blées, telles des bai­gnoires ou des bahuts enva­his par la végé­ta­tion. Y pro­li­fèrent toutes sortes de varié­tés, anciennes de pré­fé­rence, culti­vées à des­sein pour contri­buer à la bio­di­ver­sité des villes.

Les pota­gers en car­rés ne sont nul­le­ment une inven­tion récente. Les Anglais en attri­buent sou­vent la pater­nité à Law­rence D. Hills (*1911), le fon­da­teur du mou­ve­ment du jar­di­nage bio­lo­gique. Mais l’idée est bien plus ancienne, puisque ce type de culture était déjà pra­ti­qué dans les monas­tères et sur les étroites par­celles vivrières des cités médiévales.

Une chose est sûre : les bacs sur­éle­vés ont de nom­breux avan­tages. En pla­çant la sur­face de culture à une hau­teur com­mode, ils ménagent le dos et décou­ragent les limaces, for­cées d’entreprendre une inter­mi­nable ascen­sion avant de pou­voir se réga­ler. Le moindre rayon de soleil suf­fit à réchauf­fer la terre et un bon drai­nage évite le pour­ris­se­ment des racines. La culture en bacs est donc par­ti­cu­liè­re­ment indi­quée là où un sol détrempé ou un cli­mat frais rendent le jar­di­nage plus dif­fi­cile. Elle per­met à nos « Urban Gar­de­ners » d’élever des légumes à des endroits a priori peu appro­priés, comme les places gou­dron­nées ou les sols contaminés.

Des terres en friches trans­for­mées en bio­topes colorés

Autre évo­lu­tion carac­té­ris­tique de notre époque : en s’installant sur les friches indus­trielles, les jar­di­niers urbains se sont décou­vert un nou­veau royaume. Ce phé­no­mène est obser­vable par­tout sur la pla­nète. Dans la métro­pole nord-amé­ri­caine de Detroit, c’est par néces­sité que les habi­tants appau­vris ont investi ces ter­rains pour culti­ver de quoi se nour­rir. Après l’effondrement de l’industrie auto­mo­bile, la moi­tié de la popu­la­tion a déserté la ville. Faute de moyens pour entre­te­nir les infra­struc­tures, des quar­tiers entiers mena­çaient ruine.

Ce déclin a cepen­dant ouvert de nou­veaux hori­zons : des artistes, des musi­ciens, des étu­diants et des star­tups ont pu ache­ter à bas prix des mai­sons ou des ter­rains, louer des bureaux ou sim­ple­ment occu­per les lieux. Des groupes de voi­sins, des parois­siens, des béné­fi­ciaires de l’aide sociale et des asso­cia­tions cari­ta­tives ont amé­nagé des pota­gers sur des par­celles aban­don­nées, des friches indus­trielles ou dans des arrière-cours. On estime que près de deux mille sur­faces culti­vées ont ainsi été créées, mais pas seule­ment : les jar­dins ont ramené la vie dans des quar­tiers tom­bés en décré­pi­tude, four­nissent une acti­vité aux habi­tants, retissent du lien social et sont une source de nour­ri­ture dans une ville où il deve­nait dif­fi­cile de s’approvisionner en pro­duits frais. De nom­breuses métro­poles amé­ri­caines ont connu une évo­lu­tion semblable.

Prière de mar­cher sur la pelouse !

En Suisse, la situa­tion est dif­fé­rente : s’y mani­festent à la fois une liberté nou­velle pous­sant à inves­tir l’espace public, et une pré­oc­cu­pa­tion face au béton­nage des terres culti­vables. Les friches deviennent de riches bio­topes socio­cul­tu­rels et s’ouvrent aux acti­vi­tés les plus diverses : jar­dins com­mu­nau­taires, places de jeux, empla­ce­ments dévo­lus aux ska­ters et aux grim­peurs, tobog­gans géants et fours à pizza construits par les habi­tants, ate­liers de répa­ra­tion de vélos, pro­jets de pro­tec­tion du cli­mat avec pro­duc­tion de char­bon de bois, évé­ne­ments cultu­rels, et bien d’autres choses.

Les com­munes et les socié­tés immo­bi­lières ont reconnu depuis long­temps qu’elles avaient tout inté­rêt à lais­ser s’exprimer l’énergie créa­trice de la popu­la­tion sur des ter­rains en attente d’affectation.

Uti­li­sées à des fins de loi­sirs, les friches ren­forcent la cohé­sion sociale dans les quar­tiers, et les sites vacants se dégradent moins rapi­de­ment. Alors que les per­sonnes inté­res­sées devaient autre­fois se battre pour y mettre les pieds, elles sont aujourd’hui sol­li­ci­tées pour y créer des ani­ma­tions. Les nom­breux exemples posi­tifs ont fait école.

Jar­di­ner pour mieux vivre ensemble

L’une des pion­nières de ce mou­ve­ment est la coopé­ra­tive zuri­choise de la Kalk­breite. En 2007, la Ville de Zurich lui a adjugé le droit de bâtir à l’emplacement d’un dépôt de trams désaf­fecté. Mais l’enjeu dépas­sait de loin la construc­tion d’appartements et de bureaux. Les ini­tia­teurs vou­laient que les bâti­ments soient dès le départ inté­grés à l’environnement urbain et deviennent un centre de quar­tier vivant.

Cette inten­tion s’est d’abord tra­duite par un jar­din tem­po­raire, amé­nagé au prin­temps 2009 sur le par­king lon­geant la voie de che­min de fer. Durant près de 18 mois, les habi­tants du quar­tier l’ont cultivé avec leurs futurs voi­sins des immeubles en chan­tier. Au beau milieu d’une zone carac­té­ri­sée par l’omniprésence du béton, dans des caisses assem­blées à la main, on a vu s’épanouir des côtes de bettes, des tour­ne­sols et de très nom­breuses varié­tés végé­tales label­li­sées Pro Spe­cie Rara. Les lieux ont accueilli des lec­tures, des cours de cor des Alpes, des fêtes pri­vées, des séances de cinéma sous les étoiles …

En 2014, les loca­taires ont fina­le­ment pu emmé­na­ger dans les nou­veaux appar­te­ments. Conclu­sion : le « Chal­chi » (son petit nom) est à tous points de vue un pro­jet urbain réussi. Il sus­cite régu­liè­re­ment des com­men­taires élo­gieux, en Suisse comme à l’étranger, car il ne se contente pas de four­nir des loge­ments et des bureaux, mais consti­tue éga­le­ment un enri­chis­se­ment consi­dé­rable pour le quartier.

L’au­trice

Mirella Wepf

Mirella Wepf

Éxtrait de la Revue HabitatDurable 51

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