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Des aires de jeu vivantes pour les enfants et les petites bêtes

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  Tue, 07.05.2024

Dans la plupart des cantons, toute nouvelle construction à partir de trois unités d’habitation doit inclure une aire de jeu. Si cette exigence part d’une bonne intention, elle débouche trop souvent sur des espaces ennuyeux et sans âme. Alors qu’il y aurait tant de manières de faire autrement.

« Les promoteurs obligés de prévoir une aire de jeu sont souvent plus soucieux de leur porte-monnaie que du bien-être des enfants », regrette Tom Achermann, jardinier-paysagiste et copropriétaire de Spielgarten GmbH, une entreprise spécialisée dans ce domaine. Résultat : un ou deux animaux sur ressort, une paire de balançoires et un minuscule bac à sable sur quelques mètres carrés de revêtement protecteur environnés de gazon stérile. Des équipements qui servent surtout à signaliser : « ici les enfants ont le droit de jouer ». Mais une aire de jeu ne se résume pas à la somme de son mobilier. Comme l’observe Tom Achermann, « jouer, ce n’est pas seulement consommer la “fonction ludique” d’un objet ». Cela consiste aussi à faire des concours de glissade sur le toboggan, à s’amuser à le remonter à l’envers, à le descendre en arrière…
Le jeu possède des vertus pédagogiques indispensables au bon développement moteur et cognitif des enfants. Plusieurs études mettent en évidence le lien entre le temps passé à jouer en plein air, la qualité ludique de l’environnement et le sentiment de sécurité autour du domicile.
Pour Sabine Binder, fondatrice de kreis&rund GmbH, un projet de création d’espaces sociaux à Winterthour, l’investissement dans la qualité est toujours payant. « Il faut soigner la topographie. Quelques monticules permettent aux enfants de bien appréhender l’espace, ils adorent les dévaler en courant, les escalader, y luger en hiver. Des saules tressés en cabane, un petit jardin avec des baies comestibles, un labyrinthe végétal, des murets pour s’asseoir, des cailloux, du sable et des morceaux de bois, tous ces éléments agrémentent le jeu pour un coût relativement modique. Ils favorisent la biodiversité et offrent un cadre de rencontre agréable à tout le quartier, surtout si on a prévu des bancs pour les adultes et des zones un peu en retrait où les enfants plus âgés peuvent se retrouver « entre eux ».

Donner son avis et s’approprier les lieux
Consulter les (futurs) habitants devrait être la règle. Ils se mettront d’accord sur un certain nombre de souhaits qu’ils pourront éventuellement aider à réaliser eux-mêmes avec le concours d’un∙e professionnel∙le. Une aire de jeu qu’on a contribué à concevoir est aussi mieux entretenue.
Sabine Binder relève toutefois l’impératif de protéger ces espaces contre les interactions sociales non sollicitées. Les gens rechignent à se tenir dans des endroits où ils se sentent exposés à des regards inquisiteurs. Raison pour laquelle beaucoup de coins grillades restent désespérément vides au pied des immeubles. Arbres et arbustes créent de l’intimité et des zones ombragées appréciées des petits animaux.

Prévenir les accidents, permettre le jeu
Les normes de sécurité font débat. Contrôle et maintenance ont un coût. Tom Achermann tient à corriger la vision erronée qui voudrait que les enfants n’aient même plus le droit de grimper aux arbres : « Les normes servent uniquement à prévenir les accidents qui mettraient la vie en danger ». Leur objectif n’étant pas d’empêcher à tout prix une chute bénigne, voire un bras cassé. Il faut noter que dans la plupart des cantons, les aires de jeu associées à des immeubles sont considérées comme des espaces publics. En cas d’accident, les propriétaires d’ouvrage ne sont libéré·es de leur responsabilité que si toutes les mesures de sécurité nécessaires et raisonnables ont été prises.

Construire, modifier, bouger
Les expert∙es s’accordent sur une composante essentielle du jeu : le plaisir de transformer ce qui nous entoure. Les enfants aiment construire, modifier, découvrir « ce qui se passe si », et qu’importe les échecs, ils recommenceront jusqu’à ce qu’ils réussissent. « Ce qui fonctionne toujours, c’est un énorme tas de sable », remarque Sabine Binder. Qu’on y ajoute de l’eau, et la valeur du jeu croît de façon exponentielle. Les équipements utilisables par plusieurs enfants en même temps sont extrêmement ludiques, car pour les petits, la principale attraction, ce sont leurs pairs. Dans cet ordre d’idée, il est souhaitable qu’une aire de jeu « privée » puisse aussi accueillir les enfants extérieurs à l’immeuble.
Qu’en est-il de l’entretien ? Une poubelle est indispensable, car y renoncer volontairement ne garantit pas que chacun remporte ses déchets. Les journées de « nettoyage » entre voisins ont fait leurs preuves. On invitera les ados à aménager un petit coin à leur guise, dont ils auront la responsabilité. Et on couvrira le bac à sable en l’absence des enfants, pour éviter que les chats ne viennent s’y soulager.

Les enfants ont partout les mêmes besoins
Le tableau n’est guère différent dans les jardins des maisons individuelles. Juridiquement parlant, les balançoires et les toboggans y sont considérés comme des jouets. Pas besoin de revêtement de protection s’ils ne s’élèvent pas à plus de deux mètres du sol, une surface herbeuse suffit. Une cuisinette en bois, une échelle de corde dans un arbre, une cabane que les enfants auront construite de leurs propres mains, et le tour est joué. Un portillon ou un trou dans la haie pour se glisser dans le jardin d’à côté, et c’est encore mieux. Car ici aussi, les enfants chercheront la compagnie de leurs pairs, et noueront des liens avec les petits voisins. Ainsi, pas besoin que chaque famille achète un trampoline.
Last but not least, la question des coûts. À titre d’exemple, il faut compter un peu plus de CHF 4000.- pour un aménagement conçu par un∙e professionnel∙le comprenant une maison dans un arbre que les habitant∙es pourront monter eux-mêmes. S’y ajoutent CHF 2000.- à 3000.- pour le travail des paysagistes. Les équipements de jeu achetés sur catalogue ne sont pas vraiment moins chers, mais leur valeur ludique est résolument moindre.

L'autrice :

Noemi Helfenstein
Responsable marketing HabitatDurable Suisse

Extrait de la Revue HabitatDurable 76 :

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