Prise de position concernant la loi sur le CO2
HabitatDurable salue et défend la nouvelle loi sur le CO2. Nous estimons que cette loi va dans le bon sens et qu’elle constitue le premier pas d’importance que nous entreprenons pour réussir le tournant énergétique, afin de parvenir à la neutralité carbone à l’horizon de 2050. HabitatDurable a soutenu la stratégie énergétique 2050 et la révision de la loi sur l’énergie, contribuant ainsi à son acceptation par une large majorité du peuple suisse lors de la votation de 2017. Entre-temps, les nouveaux objectifs visant zéro émission nette de gaz à effet de serre nous commandent d’en faire plus. La présente loi ne permettra pas à elle seule de sauver le climat, et nous continuons à considérer que le verre n’est qu’à moitié plein. Nous ne devons pas relâcher nos efforts et envisager des mesures plus ambitieuses pour la suite.
Actuellement, près de la moitié du CO2 émis sur le sol suisse provient du secteur du bâtiment, que ce soit pour le chauffage, le refroidissement et l’exploitation, mais aussi la construction (énergie grise). Les objectifs climatiques ne pourront être atteints qu’au prix de transformations drastiques de nos modes de production et de consommation d’énergie, notamment dans ce secteur du bâtiment. Les mesures d’encouragement sont nécessaires mais pas suffisantes, et un cadre contraignant s’impose : outre des incitations, il faut des valeurs limites et des taxes.
Alternatives au chauffage par des agents énergétiques fossiles
Pour HabitatDurable, le mécanisme des valeurs limites en matière de bilan carbone pour les bâtiments constitue le cœur de la loi sur le CO2. Selon les cantons et en fonction de la date d’entrée en vigueur des nouvelles lois sur l’énergie, au plus tard en 2026, une valeur limite de 20 kg/m2 s’appliquera aux bâtiments (correspondant à env. 7 litres de mazout par m2), valeur limite qui sera ensuite progressivement abaissée.
Cela concerne en premier lieu les alternatives au chauffage fossile (mazout et gaz). Diverses possibilités se présentent à nous. Les pompes à chaleur sont un mode de chauffage moderne, que la chaleur soit fournie par l’air extérieur, par une sonde géothermique ou par une nappe d’eau souterraine. Une autre option est le chauffage à bois alimenté par une matière première indigène renouvelable ou le raccordement à un système de chauffage à distance à base de sources renouvelables, tel qu’il en existe dans de nombreux endroits. Il convient d’étudier et de déterminer pour chaque objet quelles sont les solutions spécifiques envisageables.
Il faut savoir que ces valeurs limites ne s’appliquent pas automatiquement à tous les bâtiments existants, mais entrent en jeu seulement à partir du moment où le système de chauffage doit être remplacé. La loi sur le CO2 n’obligera donc personne à remplacer ou à transformer une installation de chauffage encore fonctionnelle. Cependant, si l’on table que les appareils ont une durée de vie théorique de 20 ans, ce moment adviendra dans un futur proche. Les propriétaires ont tout à gagner à planifier suffisamment à l’avance le remplacement de leur chauffage.
Quoi qu’il en soit, la conversion à un mode de chauffage renouvelable implique un investissement plus important que le remplacement par une installation du même type. Cet investissement est à mettre en regard des coûts énergétiques et des coûts d’exploitation globalement moins élevés. Rapporté à l’ensemble du cycle de vie, il s’avère financièrement avantageux dans la plupart des cas. De plus, il rend les propriétaires moins dépendants de l’augmentation du prix de l’énergie et des taxes sur le CO2.
Tous les propriétaires ne peuvent pas forcément se permettre de tels investissements ; les retraités sont plus particulièrement à risque de se voir refuser un prêt bancaire. Pour les cas de rigueur des propriétaires ne disposant pas des liquidités ou du patrimoine nécessaires, HabitatDurable demande que des solutions soient trouvées dans le cadre de la mise en œuvre ou dans l’ordonnance, par exemple des allègements ou des subventions financées par le fonds pour le climat.
Taxes et mesures incitatives
Pour accélérer le tournant énergétique et motiver les propriétaires, il convient de développer les mesures d’encouragement, dont la taxe incitative sur le CO2, qui doit être augmentée au profit du fonds pour le climat. Le taux de CHF 210.- par tonne de CO2 inscrit dans la loi (correspondant à CHF 0,55 le litre de mazout contre CHF 0,25 payé actuellement) ne sera vraisemblablement pas applicable immédiatement, et cette hausse devrait se faire progressivement.
Pour HabitatDurable, il est important qu’un tiers de ces contributions continue à bénéficier aux propriétaires sous forme de subventions pour la rénovation des bâtiments. Pour que la mesure reste incitative, le solde du produit de la taxe sera comme aujourd’hui redistribué à la population et aux entreprises en fonction de la masse salariale déclarée à l’AVS.
HabitatDurable soutient l’imposition des émissions de CO2 des agents énergétiques fossiles par une hausse progressive des taxes. Toutefois, le produit de ces taxes doit impérativement être reversé à la population et récompenser les ménages et entreprises qui émettent moins de CO2. Il faut aussi prévoir des soutiens financiers pour motiver les propriétaires entreprenants. Cela implique donc de continuer à développer ce mécanisme d’encouragement fondé sur une lente augmentation des taxes sur le CO2. Il en résulte une plus grande économicité des mesures énergétiques et des modes de chauffage alternatifs ; les propriétaires sont ainsi plus enclins à se préoccuper rapidement de remplacer leur installation fossile pour une solution renouvelable.
La rénovation énergétique des bâtiments n’améliore pas seulement le climat et le bilan écologique, elle apporte davantage de confort et permet de réduire les frais d’exploitation.
Communautés de copropriétaires
Les rénovations énergétiques achoppent présentement sur les dispositions qui régissent les communautés de copropriétaires. En général, il suffit qu’une partie bloque la rénovation ou le remplacement du chauffage parce qu’elle ne veut ou ne peut en assumer le financement. Des mesures d’incitation spécifiques ou des instruments financiers sont ici nécessaires, par exemple le contracting. Dans ce cas, les mesures énergétiques, p. ex. une pompe à chaleur géothermique, sont financées par le contractant et amorties via les frais d’exploitation. Le contrat peut être conclu avec une entreprise ou des services municipaux, mais aussi entre copropriétaires. Le marché du financement doit faire preuve d’imagination dans ce domaine.
À défaut, on examinera s’il est possible de ne plus requérir l’unanimité pour les rénovations énergétiques ou le remplacement d’une installation de chauffage, seule une majorité qualifiée de propriétaires étant alors nécessaire. Un obstacle de taille se trouverait ainsi levé, laissant la voie libre pour de meilleures solutions.
À titre préventif, il vaut donc la peine d’alimenter autant que possible le fonds de rénovation ces prochaines années, afin de disposer d’une réserve suffisante pour préfinancer le remplacement du chauffage.
Impact sur les locataires
Les rénovations énergétiques, y c. le remplacement du chauffage, ont certes un coût et exigent des investissements, mais ceux-ci profitent directement aux propriétaires qui habitent eux-mêmes leur bien. Ils voient baisser les coûts d’exploitation et les coûts énergétiques primaires, tout en bénéficiant d’un confort accru et d’un moindre risque de dégradation du bâtiment. De tels investissements sont rentables si on considère l’ensemble du cycle de vie, c’est-à-dire l’amortissement des investissements au fil des années par des coûts énergétiques plus faibles.
La situation est plus complexe pour les biens mis en location, car ce sont les locataires qui paient les frais accessoires. La plus-value d’une rénovation énergétique ou d’une solution de chauffage renouvelable peut cependant être répercutée sur le loyer net. Cela concerne l’investissement supplémentaire requis par rapport à une rénovation qui aurait dû être de toute façon effectuée, p. ex. l’isolation thermique d’une façade par rapport à une réfection cosmétique, mais aussi le surcoût généré par l’installation d’une pompe à chaleur au lieu du remplacement à l’identique d’un système de chauffage fossile. Pour un logement de quatre pièces dans un immeuble standard, la facture de chauffage peut être réduite d’env. CHF 50.- par mois. Rien ne s’oppose à ce que les investissements supplémentaires soient reportés sur le loyer pour un montant équivalent, puisqu’en fin de compte, le « loyer chaud » (loyer + frais accessoires) n’augmente pas. Tout le monde y gagne : les propriétaires, les locataires et l’environnement.
Politique
La présente loi sur le CO2 régit les mesures à prendre jusqu’en 2030. Ces mesures ne suffiront pas pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050. Il faudra donc rapidement en planifier d’autres et les soumettre au processus politique. HabitatDurable est convaincu que la loi actuelle jette des bases importantes en vue des prochaines étapes. L’association soutient également les autres directives concernant les valeurs limites pour les véhicules ou la taxe sur les billets d’avion.
Il serait très imprudent de refuser cette loi telle qu’elle se présente actuellement au motif qu’elle reste en deçà des objectifs de l’accord de Paris. Le risque est réel qu’il en résulte une loi sur le CO2 bien moins efficace, voire pas de loi du tout. Cela nous ramènerait plusieurs années en arrière et anéantirait tous les efforts entrepris à ce jour, alors que la loi constitue un premier pas dans la bonne direction et un signal fort en faveur du climat.
C’est pourquoi il faut dire un OUI déterminé à la nouvelle loi sur le CO2 dans son état actuel.
L'Auteur
© Eliane Clerc/7pictures
Andreas Edelmann
Conseiller energetique, Architecte HES
Co-Président Casafair Zurich
Plus d’information
Communiqué de presse concernant le référendum contre la loi sur le CO2,