Prise de position sur la nécessité de réformer le droit du bail et le droit fiscal
adoptée par le Comité central le 23 novembre 2021
Considérations de fond
Avoir raison et obtenir raison
Les lois régissant le droit du bail définissent les règles qui constituent le cadre des relations contractuelles entre locataires et bailleurs. Plus ces dispositions sont détaillées et univoques, moins il y a de motifs de conflits juridiques en cas de divergences de vues entre locataires et bailleurs, et moins les juges disposent d’une marge d’interprétation. Le tribunal établit par exemple ce qu’est un rendement acceptable – le Tribunal fédéral vient du reste de changer une nouvelle fois ces règles de calcul.
À l’inverse, des dispositions trop précises offrent moins de latitude pour conclure des arrangements individuels ; un accord qui avantage les deux parties pourrait ainsi ne pas être autorisé par la loi.
En cas de litige, le bailleur qui donne son congé à un locataire est parfois dans son droit. Il craint pourtant un recours auprès de la commission de conciliation, qui proposera certainement un prolongement du délai. De même, de nombreux locataires ne se défendent pas contre les hausses de loyer injustifiées, car ils redoutent une résiliation ultérieure à titre de représailles. HabitatDurable soutient une modernisation du droit du bail et des dispositions univoques conférant des droits incontestables aussi bien au bailleur qu’au locataire ; en conséquence, ces droits sont (ou doivent être) acceptés par les deux parties.
Pénurie de logements et flambée des loyers
C’est un fait : malgré la baisse des taux hypothécaires et le faible renchérissement, les loyers ont continué à augmenter. Dans les régions urbaines, la demande excède très souvent l’offre, et faute d’une réglementation efficace contre les hausses de loyers abusives, il devient très difficile de trouver un logement en location à un prix abordable. Cette évolution est malsaine également d’un point de vue macroéconomique : parce qu’elle diminue le pouvoir d’achat, ce qui nuit à notre économie, et parce qu’en plongeant certaines personnes dans la précarité financière, elle oblige l’État à leur verser des subsides qui partent directement dans la poche des bailleurs.
La disposition permettant d’ajuster le loyer aux montants usuels dans le quartier ou la localité risque en particulier d’entraîner les loyers vers le haut. Elle doit dans tous les cas être supprimée. Lorsque le bail précédent s’est étendu sur de longues années ou que la location fait suite à une rénovation importante, il convient de définir un mode de calcul du loyer permettant de couvrir les coûts tout en prenant en compte les frais accessoires et la constitution de réserves. Il faut déterminer s’il est nécessaire pour cela d’instaurer des loyers de référence établis sur une base statistique ou des classes d’emplacements, et le cas échéant, édicter des dispositions complémentaires..
Le difficile chemin des révisions du droit du bail
Ces dernières années, plusieurs projets de révision ont échoué en référendum, à chaque fois parce que trop de dispositions auraient dû être changées d’un seul coup. En conséquence, il n’y a eu ni renforcement du droit du bail ni allègements pour les bailleurs.
Des réformes sont nécessaires
Rendement approprié / autorisé et/ou loyers fondés sur les coûts réels
Le bailleur a certes le droit de faire fructifier son capital propre, mais dans les régions qui connaissent une pénurie de logements, les loyers sont indûment utilisés pour obtenir des rendements très élevés. C’est aujourd’hui au tribunal d’établir ce qui est admissible en la matière. Si ce plafond est dépassé, le locataire doit à nouveau s’adresser aux juges qui établiront que le calcul du bailleur est contraire au droit.
Nous avons besoin de règles pour fixer les loyers de manière différenciée sur la base des coûts réels. Pour les immeubles anciens, il devrait être possible de prendre en compte dans le calcul les réserves à constituer en vue des rénovations. En cas de prix d’achat excessif et spéculatif, le rendement du capital propre doit être plus fortement limité.
Ajustement du loyer lors du changement de locataires
Au printemps 2021, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt qui fait jurisprudence. Les juges ont estimé que lorsque la hausse de loyer consécutive à un changement de locataire n’excède pas 10 %, il appartient au locataire de prouver en quoi cette hausse est injustifiée. Dans les immeubles anciens ou à la suite d’un bail ayant couru sur une très longue période, une telle hausse peut être légitime, voire indispensable. Le législateur doit cependant introduire de la précision afin de clarifier la situation pour le bailleur et le locataire, ce qui les dispensera d’avoir à chaque fois à s’adresser à la justice. Il faut supprimer le mode de calcul du loyer fondé sur les loyers usuels dans la localité ou le quartier (cf. considérations au point 2.2).
Protection contre la résiliation / résiliation collective
Il arrive régulièrement que tous les locataires d’un bien immobilier se voient simultanément signifier leur congé en vue d’une « rénovation complète ». Les locataires qui occupent les lieux depuis de longues années ont souvent des difficultés à retrouver un logement à un prix abordable. Le bailleur a en revanche une plus grande marge d’action pour fixer les loyers des nouveaux locataires. Qui décide si la rénovation peut se faire en plusieurs étapes et permet aux locataires de conserver leur logement, ou si une résiliation collective est au contraire inévitable ? Comment protéger les logements abordables d’une approche orientée vers le seul profit ?
Lors de la demande de permis de construire, le maître d’ouvrage devrait donc prouver qu’une résiliation collective est indispensable. Elle peut être pleinement indiquée pour des raisons de sécurité. Après la résiliation collective et une fois la rénovation menée à bien, il devrait être plus facile de vérifier si le rendement est approprié. Il se limitera à la plus-value de la chose louée, déduction faite des éventuelles contributions d’encouragement reçues.
Par contre, un locataire désagréable qui dérange ses voisins et cause des dégâts aux frais du bailleur ne devrait pas pouvoir compter sur le Tribunal pour bénéficier d’une généreuse prolongation de délai.
Valeur locative
HabitatDurable se prononce pour une abolition de la valeur locative, mais à condition qu’elle soit totale, sans aucune autre possibilité de déduction fiscale. Certes, d’un point de vue purement fiscal, considérée comme un revenu fictif, la valeur locative obéit à une certaine logique en tant que rendement d’un capital. Mais sa mise en œuvre dans les cantons ne répond guère aux exigences légales et il en résulte une charge fiscale plus élevée en particulier pour les propriétaires âgés qui n’ont pas d’hypothèque.
Les déductions fiscales pour rénovations énergétiques doivent être remplacées par des subventions. Ce sont en effet les revenus élevés qui en profitent le plus. De plus, en cas de location d’un bien, le locataire peut demander que les subventions soient prises en compte pour atténuer une hausse de loyer. Il convient d’harmoniser sur ce point les dispositions légales en matière d’énergie et de fiscalité lors de leurs révisions respectives.
Si l’on souhaite favoriser la conservation du bâti, une solution équitable doit être trouvée pour permettre aux personnes propriétaires de leur logement de déduire leurs frais d’entretien.
HabitatDurable s’engagera vigoureusement contre l’abolition de la valeur locative si via des déductions, les propriétaires déjà favorisés par le fisc bénéficient d’allègements supplémentaires. Les pertes de recettes fiscales qui en découleraient devront au final être épongées par la collectivité par
des hausses d’impôts.